S C H A L T E N U N D W A L T E N (Die Amme Die Amme 2/ La Nourrice La Nourrice 2) |
La nourrice est un travail extrait du (ou tendant au) cycle
SCHALTEN UND WALTEN. Son thème est celui de la barrière. La barrière se situe entre un événement possible mais non nécessaire (l'art) et le spectateur potentiel d'un objet. L'objet créant la condition du processus mais aussi de la barrière elle-même. Dans sa fonction, la barrière suit le modèle du guichet. Le guichet a la noble tâche de préserver l'événement du cours ininterrompu des événements et de son inévitable gaspillage. Le guichet est la forme du conditionnel (aurait pourrait). Il confère une forme à l'aporie de l'événement en maintenant toujours dans le cadre de la vraisemblance l'événement qu'il administre et domine. La forme du guichet justifie l'occasion suffisante qui conduit à enclencher (Schalter signifiant à la fois guichet et interrupteur). La nourrice est (au plan fonctionnel) un objet de l'administration, de la diversion qu'il faut éviter, de l'économie paisible. La nourrice est aussi économiquement grotesque. Dans une perspective artistique, elle est une installation interactive avec un ordinateur, un texte/-texte parcouru qui est d'ailleurs de la littérature. Jeu vidéo, camarade sémantique en carton, rieur. Pour Dittmer elle est enfin un objet salué de l'offrande verticale (son pendant horizontal serait la chaine de montage): la nourrice n'a pas de fin naturelle. L'avantage de la nourrice réside en ce qu'elle est ou peut être utilisée en fonction des besoins actuels. Avant la nourrice se trouvait la question de savoir comment, dans la mesure où seraient introduits dans un objet d'art des processus/ déroulements dont l'inévitable début/ fin/ interruption serait prévisible. Ce qui donne lieu à des multiples variantes souvent dépendantes du public (sauf ce qui se produit sans aucune pause et qui est encadré à tout le moins par le début et la fin de l'exposition): présence du public, absence du public, programme fixe, logique de l'extérieur (animaux!), physique, comportement donné face ou avec un objet (interaction), etc. L'idée de départ de la nourrice a été qu'une négociation amène le guichet à enclencher. Il est étonnant que l'événement ainsi géré se réduise jusqu'à n'être plus que le signe d'un événement, et que le guichet-administrateur hypertrophié se soit posé sur tout. On parle avec l'ordinateur. La conversation n'est soumise à aucune limitation explicite, sinon qu'elle doit être exécutée sur le clavier (ce qui est plutôt un avantage qu'un inconvénient). Six véhicules de production du langage sont présents dans l'ordinateur: 1. La machine à programmer; i.e. le manager des processus (le grand cadre). 2. L'appareil d'identification, i.e. un fouillis de mots et de groupes de mots d'apparence grammaticale qui tente d'identifier les données. 3. Le jugement sur la situation, i.e. une recherche du contexte et une auto-estimation en résumé, c'est ici que se situe le véritable centre qui enclenche. 4. L'appareil à réaction, i.e. une machine à décider qui manipule une réserve réactive et la tactique de la réplique. 5. La réserve de contradictions dans laquelle on puise pour contredire. 6. L'appareil générateur de contradiction qui utilise une coordination de mots et d'instructions visant à former une contradiction. Le déroulement de la conversation détermine quand et comment il se passe quelque chose, et quoi. La conversation peut glisser vers l'événement, s'en écarter ou passer à côté. La conversation ellemême est l'interrupteur. Il crée la condition du ON et du OFF. L'ordinateur simule la compétence linguistique. Mais les enregistrements des conversations montrent qu'il mémorise mieux le fil de la conversation et le suit avec plus de précision que son interlocuteur humain. L'ordinateur ne s'oriente en fonction des mots que lorsqu'il est faible; à ses meilleurs moments, il tente d'identifier des comportements et de formuler sa réponse à un comportement communiqué par le biais du langage. Le simulateur doit souvent disposer de plus de mobilité que celui qui maîtrise son outil: il triche avec talent. Les certitudes et les suppositions communiquées par le langage sont toutefois aussi toujours des hypothèses et des omissions qui se caractérisent par une incécurité fondamentale qu'un arnaqueur habile sait rappeler pour rester en jeu/en conversation. Comme la nourrice est établie das l'art, elle est liberée de l'obligation qui est celle d'autres softwares de communication, à savoir transformer des connaissances globales en simples assertions. L'appareil crée le flou, fait diversion, affirme de manière grossière sa vision des choses, réagit avec d'autant plus de mégalomanie qu'il est inconscient (voir: Baiser, Baiser, Hitler, Dieu). Pour légitimer ses élucubrations, l'appareil utilise le théâtre d'une attitude tantôt pleine de zèle, tantôt revêche. L'appareil est un destructeur (un destructeur de cadre). L'appareil s'affirme comme étant chez lui dans la discussion; son interlocuteur reste en visite. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est la grande tolérance du public face à des mots interdits et des interventions insolentes. La nourrice semble être un travail sur les insuffisances et les subterfuges provisoires de la communication. La conversation est l'interrupteur. La conversation traite tel ou tel sujet ou l'événement qu'il faut mettre en circuit. Le porteur de l'événement est arbitrairement un verre de lait. Il se trouve à l'intérieur d'une vitrine, sur une table; l'événement consiste en ce que le verre se renverse, le lait dégouline sur la table, le verre se redresse, est rempli et reste vertical comme auparavant. Le verre de lait ne symbolise plus guère que ce qui peut être mis en circuit, recherché, il symbolise une conséquence interchangeable de la mise en circuit. L'événement, c'est que l'art s'exerce sur ce verre de lait. L'art, c'est (quand, pourquoi, où: le simple fait) que l'événement s'exerce sur ce verre de lait. L'art est moins revendiqué parce que le public se tient dans l'entrée (la conversation). Le public est détourné de l'art, en est distrait. L'art est fugace: le guichet s'étend largement devant l'art. Le public oublie parfois l'art à cause de la mise en circuit. Le public et tantôt récompensé par l'art, tantôt puni par l'art. Le public ne veut pas toujours voir l'art (belle économie). Le travail sur la nourrice est terminé quand le verre cesse à jamais de se renverser alors qu'il pourrait continuer à tomber. L'affaire en reste à un saut potentiel, mais sans être libérée du guichet (le conditionnel reste là dans toute sa splendeur). Le discours adressé à l'ordinateur est un discours inutile,
(souvent), un discours public (dans la mesure où un individu avec
derrière lui une communauté qu'il représente en quelque
sorte prend la parole pour l'adresser à un interlocuteur distinct),
un discours de carambolage et parfois aussi un discours avec un espoir
qu'il ne faut pas décrire avec plus de précision. |
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