"De 1925 à 1929, entre 14 et 18 ans, Hubbard, Lafayette Ronald, futur globe-trotter enthousiaste et aventureux. Grâce à son père posté en Extrême-Orient et au soutien financier de son riche grand-père, il put passer son temps à voyager dans toute l'Asie."
"Devant regagner les États-Unis avec sa famille à la mort du grand-père, il s'inscrit à l'Université George Washington à la rentrée de 1930. Il y devient co-rédacteur en chef du journal de l'université, The Hatchet, et membre de la plupart des clubs et associations universitaires... Il y suivit également l'un des tout premiers cours de physique nucléaire jamais enseignés dans une université américaine.
"A l'âge de 20 ans, il finançait déjà ses études en écrivant et parvint ainsi à se forger en quelques années une solide réputation d'essayiste au sein du monde littéraire. Malgré ses nombreuses occupations... il prit le temps de diriger, en 1931, l'Expédition cinématographique des Caraïbes. Les prises de vues sous-marines prises au cours de ce voyage apportèrent au Bureau National d'Hydrographie et à l'Université du Michigan des contributions inestimables à la poursuite de leurs recherches."
Le 25 juillet 1928, l'USS Henderson arrivait à Guam. Ron écrivit dans son journal combien il était enchanté de la traversée. Il néglige toutefois de noter la réaction de ses parents à son retour inattendu : au bout d'un an de séparation, Harry et May étaient peut-être heureux de revoir leur fils, mais sans doute moins de l'école buissonnière inopinée. Ne pouvant le renvoyer aux États-Unis pour la prochaine rentrée, ils décidèrent de le garder à Guam et, malgré son manque d'expérience pédagogique, May accepta d'assumer la lourde tâche de préparer son fils au difficile examen d'entrée à l' Académie Navale.
Trop content de substituer la douceur de sa mère à la discipline du Lycée et le climat tropical de Guam aux bises du Montana, Ron accepta le compromis sans se faire prier. En octobre 1928, les Hubbard eurent l' occasion, avec d'autres familles d' officiers, de faire un voyage d' agrément en Chine à bord d'un bâtiment de l'US Navy, le Gold Star. Hub avertit son fils qu'il ne lui permettrait de les accompagner que s'il étudiait pendant la traversée. Ron promit tout ce qu'on voulut; et s'il fit semblant de se plonger dans son travail, il n'oublia pas pour autant de tenir son journal sur les cahiers et livres de comptes procurés par papa. Le Gold Star fit relâche à Tsing-Tao pour se ravitailler en charbon après avoir fait escale à Manille. Ron se renseigna sur l'histoire de ce port, récemment restitué à la Chine après une longue occupation allemande puis japonaise. Il en conclut que les Chinois, rongés par la corruption, étaient indignes de reprendre leur propre territoire car ils n'avaient pas su profiter des efforts de l' Allemagne et du Japon pour le moderniser. Il note, le 30 octobre : "Nous quittons Tsing Tao pour toujours, j'espère."
Le lendemain, le Gold Star jeta l'ancre à Tchang Kéou d'où les passagers prirent le train pour Pékin. La capitale chinoise ne fit pas le moindre effet au jeune explorateur. Voici ce qu'il trouve à dire du Temple du Ciel, chef d'oeuvre exemplaire de l' architecture chinoise classique : "du toc, et plutôt mal bâti,". Le Palais d'Été lui paraît "de mauvais goût", et le Palais d'Hiver "n'a pas grand-chose d'un palais, à son avis". Quant à la Cité Interdite, elle ne "vaut même pas qu'on en parle". Seule, la Grande Muraille trouva grâce à ses yeux, parce que c'était "la seule construction humaine visible de la planète Mars." Et il ajoute : "Si les Chinois la transformaient en "montagnes russes", cela leur rapporterait des millions de dollars... "Mais le jeune touriste avait des idées trop arrêtées pour accorder au peuple plus de considération qu' aux bâtiments. Il juge les Chinois superficiels, bornés, malhonnêtes, paresseux et brutaux." Quant au péril jaune qui menacerait le monde, laissez-moi rire... Les Chinois n'ont ni l'organisation ni l'endurance qu'il faudrait pour dominer un pays blanc, sauf s'ils font mariages mixtes - et encore... Un seul Marine américain pourrait tenir tête sans effort à une armée de Jaunes. "Rien ne lui plaît, pas même le climat : "L'hiver dure d'Octobre à Mai, il fait un froid glacial. La poussière est insupportable, on y enfonce jusqu' aux chevilles et ça donne mal à la gorge." Il sera quand même surpris par les chameaux: "On voit tous les jours passer des caravanes dans les rues de Pékin... Moi qui avais toujours associé les chameaux aux Arabes, je n'en reviens pas de voir ces bêtes conduites par des Chinois." Avant de regagner Guam, le Gold Star fit escale à Shang Gaï et Hong-Kong. Il ne jugea pas les indigènes dignes de commentaires, pour l'occasion, exception d'une critique sur les malheureux chinois "L'ennui, avec la Chine, c'est qu'il y ait tous ces chinetoques" (si, si).
Son assiduité scolaire a dû baisser pendant le retour, car on trouve surtout de courtes nouvelles. Il pompe dans le style vieux routier écrivain avec un "Armées à louer", où l'on lit cette observation: "L'intrigue aura les habituels rebondissements".
Le Gold Star jette l'ancre le 18 Décembre 1928 à Guam. Les mois suivants, Ron débite de la nouvelle par paquets. Sa mère l'a photographié au clavier d'une machine à écrire, mais sa préférance va vers les cahiers fouillis surchargés de ses jambages à la va-vite et de ratures. Il a dix-huit ans, c'est un ado peu expérimenté cherchant à se faire passer pour un grand voyageur solitaire doublé d'un aventurier ayant déjà tout vu, alors qu'il n'a qu'une connaissance médiocre de la partie de l'Extrème-Orient qu'il a visitée, la parant d'un vernis de réalisme imaginaire.
Dans ces circonstances, on n'est guère surpris de le voir échouer à l'entrée à Navale Annapolis. Déçu, le père ne change pas pour autant d'avis et, sachant que l'affectation de Guam s'achève, il inscrit Ron à une école de préparation spécialisée à Navale.
Rentrés aux US en Août 29, les Hubbard vont en premier lieu à Helena en famille. Le retour n'a aucun rapport avec la mort du "riche grand-père", comme le laissent supposer les biographies scientologues : Lafayette Waterbury ne meurt que deux ans plus tard, à 67 ans, le 18 Août 1931. Fatiguée par le climat de Guam, May décide alors de rester quelque temps profiter du bon air du Montana. Hub et son fils partirent donc seuls pour Washington, où Ron fit sa rentrée scolaire le 30 Septembre. Les espoirs du lieutenant de vaisseau Hubbard de voir son fils marcher sur ses traces seront bientôt déçus. Ron n'avait pas terminé son premier semestre qu'une visite médicale lui attribua une forte myopie interdisant son acceptation à l'Académie navale. May étant revenue de Helena entretemps, les Hubbard s'interrogèrent sur l'avenir de leur fils, avec d'autant plus d'angoisse que le krach de Watt Street plongeait le pays dans une crise sans précédent.
De son côté, l'intéressé ne manifestait nul chagrin de devoir renoncer à une carrière navale: il était rédacteur au journal de l' école et faisait partie de la troupe théâtrale, activités autrement plus captivantes que la marine de guerre - opinion qu'il s'abstenait toutefois d'exprimer devant son père... Celui-ci ne désespérait toujours pas : faute d'être marin, se disait-il, Ron pourrait au moins devenir ingénieur. Hub remua alors ciel et terre pour faire admettre son fils à l'université malgré la médiocrité de ses résultats scolaires; c'est donc grâce à la persévérance de son père que Ron put faire sa rentrée le 24 Septembre 1930 à l'école d'ingénieurs civils de l'Université George Washington.
En dépit de la Prohibition toujours en vigueur et de la plus grave dépression économique de l'histoire des États- Unis, le campus affichait activité et optimisme. Un ingénieur, Herbert Hoover, occupait la Maison-Blanche et le plus haut gratte-ciel du monde, l'Empire State Building, témoignait des prouesses techniques dont étaient capables les ingénieurs civils américains. Bientôt, disait-on, la technologie étendrait sa toute-puissance sur l'univers. Un avenir radieux s'ouvrait donc aux élèves ingénieurs. Cet avenir laissait malheureusement Ron indifférent. Pendant que ses professeurs lui exposaient le calcul structurel et l'analyse des contraintes, il préférait laisser son esprit divaguer dans le monde enchanté de la bande dessinée, qui commençait à percer dans la culture populaire.
Ses rêves étaient plus que jamais peuplés de pirates, d'espions, de soldats de fortune et d'agents secrets déjouant les embûches d'énigmatiques Chinois. Sa passion pour l'écriture, sinon la littérature, l'entraîna vers l'équipe rédactionnelle de l'hebdomadaire de l'université, The Hatchet. Vexé de ne pas se voir proposer d'emblée le poste de rédacteur en chef, qu'il estimait mériter de plein droit, il dut se contenter d'être simple reporter, humiliation qu'il ne supporta que jusqu'au printemps de 1931.
Pendant ce temps, sans doute à titre de compensation, il se prenait de passion pour le planeur et profitait de sa position au journal pour promouvoir la création d'un club universitaire de vol à voile. Bientôt élu président du club, il allait passer le plus clair de son temps dans les airs - au détriment de ses études, mais c' était là le cadet de ses soucis. En dépit des notes désastreuses à la fin de sa première année et des engueulades paternelles, Ron alla passer ses vacances dans le Michigan où l'un de ses amis, moniteur d'un club de vol à voile, lui apprit à piloter un avion à moteur. Informé du décès de son grand- père en Août, il rejoignit sa famille à Helena pour les funérailles avant de retourner voguer dans les cieux du Middle West en compagnie de son camarade. Il fera de leurs aventures, réelles ou supposées mais artistement arrangées, un article publié en janvier 1932 dans le magazine "Sportsman Pilot". Le nom de Ron Hubbard figura ainsi pour la première fois au sommaire d'une vraie publication. Au même moment, tout espoir de le voir vraiment se remettre à ses études s'évanouit avec l'annonce par The Hatchet de l'édition d'une revue littéraire mensuelle. Il aurait été impensable que la revue paraisse sans un de ses textes; il publia donc, dans le premier numéro du 9 février 1932, une nouvelle contant les aventures d'un jeune soldat chinois périssant de mort tragique. Au mois de mai, Ron eut la satisfaction de se voir décerner le prix d' art dramatique de la revue pour une pièce en un acte intitulée The God Smiles (les sourires de Dieu), qui mettait en scène, dans un café de Tsing-Tao, un Russe blanc et sa maîtresse cachés derrière un rideau pour pouvoir échapper à un chef des brigands, le tout sur un ton à mi-chemin entreTchekhov et la grosse blague. Mais un autre projet accaparait déjà son attention au point de lui faire oublier le reste, y compris ses études et son cher vol à voile : une "expédition" aux Antilles.
Tout autre qu'Hubbard aurait qualifié l'entreprise de simple croisière estivale; pour lui, il ne pouvait s' agir que d'une expédition en règle dont il serait le chef. Il l' avait même déjà baptisée Expédition cinématographique des Caraïbes. L'idée lui en était venue avec son ami Ray Heimburger, vice-président du club de vol à voile, en découvrant un vieux schooner , le 'Doris Hamlin' dans le port de Baltimore : long de deux cents pieds et jaugeant mille tonneaux, il n'avait jamais été équipé de machines si bien que les clients ne se bousculaient pas. Après avoir pris contact avec son skipper, le capitaine Fred Garfield, Ron calcula qu'il suffisait de partager les frais entre une cinquantaine d'étudiants pour louer le Doris Hamlin pendant les vacances d'été. Il ne lui fallut pas longtemps pour réunir le nombre ad-hoc de volontaires, ce qui démontre incontestablement ses dons de vendeur et d' organisateur. Un article, non signé mais frappé du sceau de l'inimitable emphase d' Hubbard, annonça l'expédition dans "The Hatchet" le 24 mai 1932 : "Contrairement aux idées reçues, les jours de l' épopée des grands voiliers ne sont pas révolus - du moins pour les cinquante jeunes Chevaliers de l'Aventure qui appareilleront de Baltimore le 20 juin à bord du schooner Doris Hamlin pour cingler vers les Indes Occidentales et les repaires oubliés des pirates..." L' ambitieux programme des "Chevaliers de l' Aventure" comportait la "reconstitution de scènes de piraterie" (dont on voit mal l'intérêt scientifique), la récolte de "spécimens de la flore locale", la rédaction d' articles pour les magazines de voyage et le tournage de films de court métrage dont les scénarios seraient écrits à mesure en fonction des légendes et traditions de chaque île visitée et des recherches effectuées dans les nombreux ouvrages de référence dont sera dotée la bibliothèque de bord... "Quant à l'itinéraire? pas moins de seize escales en cent jours. Un "chef d'expédition" pourvu d'un minimum d'expérience se serait inquiété de savoir s'il était possible de faire plus de cinq mille milles marins en si peu de temps à bord d'un voilier vétuste dépourvu de moteur, mais il en fallait davantage pour décourager un meneur d'hommes tel que Ron Hubbard. Son "expédition" bénéficiait d'ailleurs de soutiens aussi prestigieux que l'Université du Michigan, l'Institut Carnegie et le Metropolitan Museum; un hydravion serait bientôt embarqué pour les prises de vues aériennes; Fox Movietone et les Actualités Pathé se disputaient l'exclusivité des droits d'exploitation cinématographiques alors que le New York Times avait déjà acquis par contrat toutes les photographies. Il va sans dire que les membres de l'expédition se partageraient le produit de ces lucratives retombées médiatiques. C'est ainsi que le Doris Hamlin appareillait de Baltimore le 23 Juin, avec trois jours de retard.
A Washington, nul n'en entendit plus parler jusqu'au 5 Août, quand The Hatchet signala l' arrivée du schooner aux Bermudes le 6 Juillet. Une longue lettre de la plume d'Hubbard expliquait, dans son style habituel, que l'expédition avait souffert à ses débuts de vents contraires dans de fortes mers suivies d'un regrettable encalminement mais qu'à part ces légers contretemps tout allait bien. La lettre négligeait toutefois de préciser pourquoi, quinze jours après avoir levé l' ancre, le schooner se trouvait aussi éloigné de la Martinique, sa première escale, que de Baltimore, son port d'attache. La réponse à cette énigme ne viendrait qu'en début Septembre, lorsque le Doris Hamlin reviendrait à Baltimore avec trois semaines d'avance sur son programme. Homme peu bavard mais de longue expérience, le capitaine Garfield se borna à grommeler que le voyage avait été "le pire de sa carrière". Ron Hubbard eut beau faire bonne figure, il ne pouvait lui non plus dissimuler que l'Expédition cinématographique des Caraïbes n'était qu'un fiasco complet. Au départ début, vents contraires et gros temps avaient détourné le Doris Hamlin au point de le forcer à relâcher aux Bermudes afin de refaire le plein d'eau douce, car les réservoirs fuyaient. Onze membres de l'expédition, ayant certes déjà compris, quittèrent la croisière à cette escale imprévue , de sorte qu'entre ces abandons, les taxes portuaires, l' achat d'eau douce et la réparation des réservoirs, le chef d'expédition avait presque épuisé les fonds avant d'avoir atteint la mer des Antilles. Le Doris Hamlin arriva cependant en vue de la Martinique un mois après son départ de Baltimore. Les rapports déjà tendus entre Ron et le capitaine Garfield ne firent alors que se détériorer. A peine le schooner eut-il jeté l'ancre à Fort de France que plusieurs autres "Chevaliers" se déclarèrent tout aussi lassés de l'aventure et prirent le chemin du retour. Ron prétexta alors du désastre de l'eau douce pour menacer le capitaine Garfield de ne plus lui payer un sou; le pacha du bord répliqua par d' autres menaces tandis que l' équipage, qui avait désormais tout lieu de craindre pour sa paie, exigea le règlement immédiat et à l'avance sous peine de se mutiner. Il ne restait plus au "chef d'expédition" qu'à tenter d'apaiser la révolte en promettant de demander des subsides par télégramme. De son côté, le capitaine avait déjà télégraphié à ses armateurs dont la réponse ne se fit pas attendre : Garfield avait l'ordre formel de rentrer sans délai. Ron eut beau supplier, tempêter et brandir la menace de poursuites judiciaires pour rupture abusive de contrat, rien n'y fit. Le Doris Hamlin leva donc l' ancre et mit le cap sur Baltimore sans que les "Chevaliers de l'Aventure" aient exploré un seul repaire de pirates, recueilli le moindre échantillon de la flore, encore moins de faune, ni tourné un mètre de pellicule. Et pourtant, lorsque Ron Hubbard et Ray Heimburger racontèrent leur périple le 17 septembre 1932 dans The Hatchet, la déroute était miraculeusement devenue un triomphe; et si l'expédition avouait quelques retards et contretemps sans gravité, elle affichait avec orgueil un bilan scientifique des plus flatteurs. On ne retrouve curieusement nulle part la trace de ces innombrables "contributions à la recherche scientifique". Le Service hydrographique national n'a jamais reçu aucun film sous-marin, l'université du Michigan ne possède dans ses collections aucun des rares spécimens de la flore et de la faune prétendument récoltés par les "Chevaliers"; quant aux archives du New York Times, elles ne contiennent pas plus de photographies inédites que de courrier exprimant l'intention de s'en réserver l'exclusivité. En fait, le prestigieux quotidien ignorait jusqu'à l'existence même de l'expédition. Un mystère encore plus épais entoure le relevé minéralogique de Porto Rico. Un tel "tour de force réalisé dans la plus grande tradition" par Hubbard "à la tête d'une équipe d'experts" aurait certes été une réussite hors du commun pour un élève ingénieur de vingt et un ans. Malheureusement, le Service géologique fédéral des États-Unis n'en a jamais rien su, pas plus que le Département des Ressources naturelles de Porto Rico, ni le Dr Howard Meyerhoff, professeur de géologie à l'université de Porto Rico en 1931-1932. Dans tout cela, un seul fait est indiscutable : à son retour des Antilles, Ron Hubbard apprit que ses notes de deuxième année à George Washington étaient non seulement déplorables mais très inférieures à la moyenne, particulièrement en mathématiques et en physique moléculaire. Ceci le surprenait d'autant moins qu'il avait déjà fait son deuil d'un diplôme et résolu de ne pas perdre une troisième année à poursuivre vainement des études qui ne l'intéressaient pas. Il informa donc ses parents de sa décision de ne pas retourner à l'université. Harry et May Hubbard furent très déçus, on s'en doute, de voir leur fils unique gâcher ainsi sa chance d'embrasser une profession d'avenir.
Mais Ron fit la sourde oreille à toutes leurs demandes d' assumer ses responsabilités et de se remettre au travail. Résigné, le lieutenant Hubbard chercha comment occuper son fils jusqu'à ce qu'il ait réfléchi à une carrière valable et, surtout, à l'empêcher de continuer à perdre son temps en gribouillant des histoires à dormir debout. Ayant entendu dire à l'hôpital naval, dont il était trésorier-payeur, que la Croix-Rouge cherchait des volontaires pour Porto Rico, Hub écrivit le 13 Octobre au Ministère de la Marine en demandant une autorisation de passage pour son fils sur un bâtiment de l'US Navy à destination de San Juan. Sa requête fut acceptée deux jours plus tard : le 23 Octobre 1932, en compagnie d'infirmières et d'autres bénévoles, Ron embarqua donc sur l'USS Kittery. Afin de passer le temps pendant la traversée, il écrivit pour les lecteurs du Sporstman Pilot, qui purent s'en délecter dans le numéro de novembre, un nouveau récit de ses exploits aux commandes d'un planeur. Comment, par exemple, il avait vécu son "plus terrifiant cauchemar" quand une aile de son engin s' était brisée à plus de mille mètres d'altitude et comment il avait réussi à éviter de tomber en vrille; ou encore, disait-il , comment il avait établi un record mondial "officieux" en maintenant en palier la vitesse de 120 km/h pendant douze minutes... Quand le Kittery arriva à San Juan le 4 Novembre, Ron avait cependant formé d'autres projets que de s'enrôler dans les rangs de la Croix-Rouge afin de secourir les défavorisés : puisque son expédition aux Caraïbes ne lui avait pas permis d'explorer les "repaires des pirates" et de découvrir leurs trésors cachés, il n'allait pas laisser passer la chance d'explorer les collines de Porto Rico où les Conquistadores avaient à coup sûr laissé derrière eux des tonnes d'or... On sait peu de choses sur les raisons de ce changement de programme et sur les conditions du court séjour de Ron dans l'île, sauf qu'à un moment, il a pu se faire employer par une société de prospection probablement comme chef de chantier : West Indies Minerals. Il existe une photo de lui coiffé d'un casque colonial et les mains dans les poches, en train de surveiller avec ennui trois ou quatre terrassiers armés de pelles et de pioches au flanc d'une colline. S'il a occupé une partie de son temps à diriger un "relevé minéralogique complet de Porto Rico", le résultat de ses oeuvres ne figure nulle part dans aucune des archives officielles ou autres où on devrait normalement le trouver. Et si cette entreprise n'a jamais existé que dans son imagination, elle n'avait rien d'une ambitieuse "expédition" librement consentie mais résultait au contraire d'un voyage imposé à titre de sanction par un père justement déçu et mécontent de son cancre de fils.