Sept Femmes (1989)

 



Les Marges du Lido
Sept Femmes de Rudolf Thome

La trilogie des «Formes de l'amour» s'est fermée à Venise sur le sentiment de déception que nous laissent les meilleures comédies lorsqu'elles se consument dans une chute facile. Sept Femmes est, après Le Microscope et Le Philosophe, un nouveau conte de fée moderne où un jeune homme revient dans la maison de son père qui, avant de mourir, a organisé pour lui une chasse au trésor mystérieuse. La clé de ce jeu de l'héritage pourrait être l'argent ou l'une des sept femmes de la maison voisine, et ce sera finalement au fils de faire parler lui-même la volonté de son père. Ces péripéties de la filiation perdent peu à peu leur charme dans le traitement extrêmement flou et parfois grossier des personnages (on sent que le film a été tourné très vite et comme pour en finir avec la forme minimaliste de la trilogie). L'échec de Sept Femmes tient à cette surprenante incapacité de Rudolf Thome à simplement raconter son histoire et croire à sa magie. Ce qui, lorsque la morale du film est celle du conte, ne pardonne évidemment pas.

Frédéric Strauss dans Cahiers du Cinéma No 424, Octobre 1989

 

 

Festival de Venise
Histoires de famille

Jusqu'au Thome nouveau (Rudolf) qui n'a pas vraiment le même goût, sur la lagune. Un brin «frizzante», par moments. C'est évidemment à cent coudées au-dessus du cloaque ambiant, même si le film a eu l'honneur de se faire partiellement huer par les représentants de la presse quotidienne, qui venaient juste de gober avec ravissement la plu, grosse merde du cloaque en prenant les fines plaisanteries de Resnais et Feiffer pour des marrons glacés.

Dernier volet du triptyque des «Formes de l'Amour», Sieben Frauen (Sept Femmes) est un conte autrement difficile à avaler que l'était Der Philosoph. Il se présente sous forme de chasse au trésor, ou, comme l'explique le père défunt du héros dans une lettre une récolte d'œufs de Pâques. Pour finalement trouver la poule aux œufs d'or. Le héros est toujours le filiforme et circonspect Johannes Herrschmann, mais il n'a ici rien d'un philosophe. Son père, un riche banquier, vient de lui léguer sa maison à Berlin. On comprend vite qu'il lui a légué beaucoup plus que ça. Revenu d'un long voyage et d'une vie qu'on devine aventureuse, Hans Hummel embrasse immédiatement le métier d'homme d'affaires avec un zèle de croisé. C'est pourtant à un tout autre chemin que le destine son défunt père - quelquechose à voir avec l'étonnante famille qui habite à côté, cinq filles, leur mère et leur grand-mère, sept femmes en tout.

Thome a sa façon à lui de nous mettre en boite: une valise dont il faudra trouver la combinaison, une cantine enterrée dans le jardin familial, des coffres de banque, un ecrin pour une bague de fiançailles, et une autre «banque» à forcer, cette fois à l'intérieur d'un ordinateur. C'est souvent très drôle, mais pas toujours. C'est même parfois un peu bébête (la séquence de karaté). Mais on se laisse aisément gagner par cette nouvelle fable de l'homme comblé (cette fois-ci par 1’argent, en plus de l'amour), et surtout par le dialogue que poursuit Hans avec son père, par cet astucieux scénario que Thome a concocté pour mener à bien cet impossible exercice.

Avec un peu moins de félicité que dans son film précédent, il allie néanmoins le réel et la logique des contes de fées: comme la princesse qui ne veut épouser qu'un homme pauvre, Johanna (la septième femme) oblige flans a trouver la Voie. Comme le petit tailleur, Hans attrape «sept femmes d'un coup». Il obtient ça et le cœur de Johanna la vestale en se dépossédant, sans pour autant devenir pauvre. C'est un tour de passe-passe qui frise le jésuitisme et qui passe près du cœur du banquier (il en pleure), et qui en a fait également hurler beaucoup sur leur fauteuil. C'est qu'on peut badiner tant qu'on veut avec l'amour, mais sûrement pas avec le deutsche Mark.

Philippe Ganier dans Libération, 8. 9. 1989